mercredi 1 octobre 2008

Georges Fenech - “500.000 concitoyens touchés par le phénomène”


Propos recueillis par Sandrine Briclot, pour France Soir le mercredi 1 octobre 2008 à 04:00


C’est aujourd’hui que Georges Fenech, qui préside la mission interministérielle, prend les rênes de la Miviludes, l’observatoire anti-sectes. Une mission taillée sur mesure pour un magistrat averti des dérives sectaires.Créée en 2002, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) est chargée d’observer et de détecter le phénomène sectaire mais également de lutter contre les risques avérés.


A sa tête depuis ce matin, un homme réputé pour sa fermeté face à ce qu’il considère comme « un vrai problème » en France. Magistrat, ex-député UMP et ancien président de la commission d’enquête sur les sectes et les mineurs, l’homme est même la bête noire des mouvements sectaires depuis qu’il a instruit et requis dans plusieurs affaires mettant en cause certains de leurs responsables. Missionné en avril dernier par François Fillon, Georges Fenech a remis cet été au gouvernement un rapport sur « la justice face aux dérives sectaires ». Un texte qui laisse augurer de l’action qu’il mènera à la Miviludes : renforcement de la surveillance et de la prévention et — c’est nouveau — création de cellules d’interventions.


Il nous explique.


FRANCE-SOIR. Avec votre nomination à la présidence de la Miviludes, les sectes deviennent « un vrai problème »… C’est un message ?


GEORGES FENECH. Il faut balayer toute interrogation sur la volonté du gouvernement de prendre le problème au sérieux. Il y a une vraie préoccupation des pouvoirs publics au sujet des sectes.

Ma nomination à la tête de cette mission, de par mon parcours professionnel en tant que magistrat et parlementaire très préoccupé par cette question, prouve cette volonté de non seulement maintenir la vigilance et la lutte dans le domaine sectaire mais également de la renforcer. Comme vous le savez, j’ai remis cet été au Premier ministre un rapport où je formule douze préconisations pour lutter plus efficacement contre les dérives sectaires. Oui, c’est un message.


Quel sera votre premier chantier ?


Il sera de proposer au Premier ministre un renforcement de la Miviludes tant dans son domaine d’action que dans son statut. Nous faisons un gros travail de formation et de surveillance mais il nous manque une cellule d’intervention dans un domaine purement opérationnel. On pourrait créer des sections qui pourraient être appelées en renfort sur le terrain par les forces de l’ordre. Nous l’avons déjà expérimenté dans le cadre d’une affaire dans le Calvados qui s’est soldée par deux mises en examen. Il faut comprendre que lorsqu’on intervient dans une communauté, on tombe sur des individus qui n’ont plus aucun repère. On pourrait aussi imaginer des structures d’accueil qui réaliseraient un suivi psychologique des adeptes.


Le nombre de sectes est-il en évolution ?


Le phénomène sectaire est un phénomène mouvant, fluctuant. Vous avez des sectes qui apparaissent, d’autres qui disparaissent, certaines qui changent de nom… Ce sont des organisations en perpétuel mouvement, d’où l’intérêt pour la Miviludes de suivre ces évolutions comme, par exemple aujourd’hui, la montée inquiétante des mouvements dits sataniques, qui touchent plus particulièrement les jeunes.


On peut considérer que si le phénomène n’est pas en expansion, il n’est pas non plus en régression.


Le volume des organisations sectaires tournent autour de 200 mouvements. Et, selon l’enquête que j’ai menée en tant que député, qu’il y a entre 60 et 80.000 enfants touchés par ce phénomène et que, probablement, dans l’ensemble du pays, environ 500.000 de nos concitoyens sont concernés.


Aujourd’hui les sectes ont-elles un nouveau visage ?


Il y a le problème de l’enseignement à domicile et des formations professionnelles (NDLR : lire ci-aprés). Nous observons également quelques techniques employées par certains psychothérapeutes mal intentionnés, comme celle des faux souvenirs induits. Cela consiste à faire revenir à la mémoire de la personne des souvenirs enfouis qui sont… faux. On la persuade qu’elle a été victime d’attouchement ou d’inceste pendant son enfance par exemple. Cela abouti parfois à des catastrophes familiales et des plaintes. La réglementation existe, elle a été votée, nous attendons son décret d’application. En attendant, ces professions sont très lucratives ! On voit même certains médecins se faire radier du conseil de l’ordre pour exercer ces médecines parallèles !


Le dernier rapport de la Miviludes évoque « les actions de lobbying effrénées » des mouvements sectaires. Comment se traduisent-elles ?


Il y a différentes manières pour des organisations à caractère sectaire de faire du prosélytisme ouvertement ou sous différents masques. Certaines s’abritent derrière de nobles causes pour avancer leurs pions. On le constate notamment dans le domaine de l’humanitaire où de grandes organisations se déplacent sur des lieux de catastrophes naturelles, d’épidémies ou de révoltes de banlieues. On ne peut pas non plus exclure le phénomène de l’entrisme. L’infiltration dans les lieux de pouvoir politiques, économiques, industriels, ça existe !

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L’enseignement à domicile sous surveillance


Chaque parent a le droit d’être le précepteur de son enfant et de ne pas l’envoyer à l’école, comme le stipule la loi Jules Ferry de 1882. « C’est une liberté fondamentale qu’il n’est pas question de remettre en cause, explique Georges Fenech, mais on se rend compte qu’à travers cette liberté, des parents vivant en communauté enferment socialement leurs enfants. » Et le nouveau président de la Miviludes de rappeler une loi votée en mars dernier et passée inaperçue : « Ce texte dit qu’au-delà de deux familles qui se regroupent pour enseigner à leurs enfants, il faut faire une déclaration d’ouverture d’école même hors contrat car c’est une école de fait. » L’occasion pour les acteurs anti-sectes d’exercer une surveillance sur ce nouveau type d’établissement scolaire familial, car « qui dit déclaration d’ouverture d’école dit contrôle plus approfondi et plus régulier de l’Education nationale et du ministère de la Santé », prévient Georges Fenech.

Edition France Soir du mercredi 1 octobre 2008 n°19916 page 6

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