mercredi 10 janvier 2007

Georges Fenech à l'Assemblée Nationale sur l'influence des mouvements et pratiques sectaires sur les mineurs.

Extrait officiel

Deuxième séance du mardi 9 janvier 2007

104e séance de la session ordinaire 2006-2007


PRÉSIDENCE DE M. JEAN-LOUIS DEBRÉ

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, dernier orateur inscrit.

M. Georges Fenech. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, il me revient effectivement de clore cette discussion générale.

Le texte sur la protection de l’enfance qui nous est soumis, était très attendu par tous les acteurs de la protection de l’enfance, qu’ils soient élus ou magistrats, par les services sociaux, par les associations et par les parents eux-mêmes. Il répond en outre aux objectifs fixés par la Convention internationale sur les droits de l’enfant de l’ONU du 20 novembre 1989, dont la France est signataire depuis 1990.

Ces mesures étaient nécessaires. Elles clarifieront et compléteront utilement les dispositifs existants, en renforçant également les moyens budgétaires et humains.
Compte tenu du temps limité qui m’est imparti, je cantonnerai mon intervention à la question douloureuse des enfants victimes de l’emprise sectaire, car ils ne bénéficient pas encore de toute la protection des pouvoirs publics qu’ils sont en droit d’attendre. Cette question a déjà été évoquée dans le cadre de cette discussion par plusieurs de mes collègues siégeant sur tous les bancs de cette assemblée.

Je vous rappelle à ce sujet, monsieur le ministre, que l’Assemblée nationale a voté, à l’unanimité, le 26 juin 2006 une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé mentale et physique des mineurs. J’en ai assuré la présidence, tandis que la fonction de rapporteur était dévolue à M. Philippe Vuilque, député du groupe socialiste.

Le rapport a été publié le 19 décembre 2006. Les conclusions qui se dégagent de ces travaux ont permis à la commission d’enquête de dresser unanimement un double constat : d’une part, les enfants constituent une proie de plus en plus facile pour les sectes ; d’autre part, l’engagement des pouvoirs publics contre l’influence des dérives sectaires sur les enfants doit être renforcé.

M. Serge Blisko. Absolument !

M. Georges Fenech. Je sais parfaitement, monsieur le ministre, que votre texte ne concerne pas le phénomène sectaire, mais les enfants victimes des mouvements à caractère sectaire constituent aussi une réalité, dont il faut tenir compte.

Les amendements que j’ai déposés s’inscrivent dans cette logique, dans l’esprit qui est le vôtre et celui de votre projet. Je les défendrai avec force lors de l’examen des articles, car je n’ai pas eu tout le loisir de développer en commission, compte tenu du temps qui m’était imparti, tous les arguments que je souhaitais évoquer.

Oui, monsieur le ministre, je proposerai à l’Assemblée nationale pour donner corps législatif à une partie des cinquante propositions que nous avons formulées, vingt et un amendements à votre projet de loi.

Au préalable, je veux insister sur trois sujets qui me paraissent cruciaux pour mieux garantir la protection d’une population particulièrement vulnérable.
Le premier est la santé des mineurs, plus précisément les contrôles médicaux des enfants en âge scolaire non scolarisés.

Force est de constater que les enfants instruits dans les familles ou dans un établissement privé hors contrat ne bénéficient pas de la même protection médicale et des mêmes contrôles médicaux obligatoires dès l’âge de six ans comme les autres enfants scolarisés. Je proposerai donc de les inclure dans le code de la santé publique comme bénéficiaires de ce contrôle médical obligatoire au même titre que les autres enfants de la République.

Ensuite, sans remettre en cause la liberté d’enseignement dans les familles, notre commission a considéré qu’il fallait justifier d’une cause légitime pour priver l’enfant des avantages d’une scolarisation dans un établissement public ou privé. Nous avons proposé des critères objectifs comme l’état de santé, le handicap, le déplacement de la famille ou toute autre raison réelle ou sérieuse. Je sais que cette proposition soulève des difficultés et inquiète certaines familles. Je rappelle que d’autres pays européens, à l’instar de l’Allemagne, rendent obligatoire la scolarisation des enfants. C’est le gage, pensons-nous, d’une éducation de qualité, d’une ouverture d’esprit de l’enfant pour lui permettre de devenir, au contact des autres, un citoyen libre et éclairé au sens de la Convention internationale des droits de l’enfant. C’est du reste cet engagement qu’utilisent les sectes pour enfermer socialement les enfants.

À tout le moins, si ce dispositif vous paraît aller à l’encontre d’un principe constitutionnel, il importe au minimum d’inscrire explicitement dans la loi ce qu’une ancienne et pérenne jurisprudence a établi. J’y reviendrai au cours de la discussion de l’article concerné.
Le temps me faisant défaut pour développer ces différents points, je vais à l’essentiel.
C’est cet enfermement social dû à la liberté sans contrôle d’enseignement dans les familles que notre commission d’enquête a pu constater en se déplaçant dans les Pyrénées-Atlantiques pour visiter la communauté Tabitha’s Place. Sous le prétexte de la liberté d’enseignement dans les familles, nous avons découvert dix-huit enfants en âge scolaire totalement hors du temps et entièrement coupés de la réalité sociale.

Je vous pose la question, monsieur le ministre : est-il normal, au nom de la liberté d’enseignement dans les familles, de priver un enfant de toutes les autres libertés fondamentales, reconnues par la Convention internationale des droits de l’enfant ?

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Évidemment non !

M. Georges Fenech. La représentation nationale ne peut pas évacuer cette question sous prétexte de respect d’une liberté inscrite dans la Constitution et non précisée par nos textes.
Je propose également d’enrichir la loi About-Picard votée à l’unanimité sur l’abus de vulnérabilité en incriminant l’enfermement social.

Je suggérerai enfin de donner le droit aux grands-parents, au même titre que les parents, de pouvoir saisir le juge des enfants en cas de situation de danger, d’autant que les deux parents peuvent appartenir à un mouvement à caractère sectaire. Je regrette que la commission ait rejeté ce dispositif, mais je suis convaincu que nous finirons par l’adopter.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, mers chers collègues, que vous serez sensibles à la situation dramatique que vivent environ 60 000 à 80 000 enfants dans notre pays, en accueillant favorablement mes amendements. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.

M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs, je tiens à vous remercier les uns et les autres pour la qualité de cette discussion générale qui fait honneur à la représentation nationale sur une question qui appelle de notre part beaucoup de responsabilité et une conscience aiguë non seulement des difficultés auxquelles de nombreux enfants de notre pays sont confrontés, mais aussi des difficultés que rencontrent leurs parents. Il s’agit non pas, en effet, d’opposer les parents aux enfants, mais de faire en sorte, dans toute la mesure du possible, que la cellule familiale puisse fonctionner harmonieusement.

Je veux remercier en particulier Mme Valérie Pecresse d’avoir accepté la charge de rapporter ce projet de loi. Je salue également l’excellent travail qu’elle a accompli au sein de la mission sur la famille dont elle a été la rapporteure et à laquelle beaucoup d’entre vous ont participé sous la présidence de M. Bloche.

Avec beaucoup d’autres, M. Delnatte s’est réjoui que de nombreuses propositions de cette mission soient reprises dans le texte que le Gouvernement a l’honneur de vous présenter. Tel est effectivement le cas, car les propositions de cette mission rejoignaient très largement, grâce à l’ampleur des auditions auxquelles elle a procédé, les constats, les analyses et les attentes des professionnels, des associations et des responsables de l’aide sociale à l’enfance.

Au-delà de la lutte contre la maltraitance, vous souhaitez, madame la rapporteure, promouvoir la « bien-traitance » des enfants. Telle est bien notre intention dans ce projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui. C’est en effet, par-delà les cas pathologiques les plus douloureux, ceux qui donnent lieu aux souffrances fort bien décrites par M. Bur au cours de son intervention, que se situe l’ambition de cette réforme.

Vous avez également, madame la rapporteure, posé la question de l’articulation entre le projet de loi de protection de l’enfance et celui relatif à la prévention de la délinquance. Cette interrogation a été reprise par un certain nombre d’orateurs qui se sont succédé à la tribune. Pour ma part, je suis très satisfait de la qualité du travail que nous avons accompli avec le ministre d’État, ministre de l’intérieur, pour que les deux textes soient complémentaires.

Le projet sur la protection de l’enfance poursuit un objectif : la protection des enfants. Le texte sur la prévention de la délinquance vient compléter notre politique de lutte contre l’insécurité en ajoutant un volet préventif au volet répressif que nous avons su développer avec efficacité au cours des années récentes sous l’impulsion du ministre de l’intérieur.

L’objet des deux textes est, certes, très différent : l’un vise à protéger la société contre les risques d’insécurité liée à la délinquance en la prévenant mieux ; l’autre tend à protéger les enfants contre des risques générés par la société elle-même, des risques dont la famille peut être porteuse alors qu’elle devrait être le lieu de l’épanouissement et de la protection de chaque enfant.

Si les objets sont différents, il y a néanmoins des points de recouvrement.

En effet le texte sur la prévention de la délinquance comporte ainsi un certain nombre de dispositions organisant le travail social autour du maire et permettant de mieux coordonner les interventions sociales des départements, des centres communaux d’action sociale et des caisses d’allocations familiales, ce qui est indispensable. Vous vous rappelez sans doute que j’ai personnellement défendu ces dispositions que je crois bienvenues pour l’organisation du travail social en France et respectueuses de la nécessité de préserver le secret professionnel. Nous avons prévu le partage de certaines informations, dans des conditions strictement encadrées, lorsque l’intérêt de l’intervention sociale l’exigeait et dans le but de rendre l’action plus efficace.

Cependant ce texte sur la protection de l’enfance ne s’inscrit pas dans cette optique de dispositions de coordination du travail social. En effet il comprend des dispositions particulières en raison de la nécessité de prévoir des précautions spécifiques en ce qui concerne la protection de l’enfance. Cela correspondait non seulement à ma volonté mais aussi à celle de tous les intervenants consultés : les départements, les professionnels de l’aide sociale à l’enfance et l’ensemble des associations qui ont participé à la préparation de ce projet de loi.

Puisque vous avez évoqué – M. Mallié et plusieurs autres parlementaires – la question de l’internet et des risques pour les enfants, je souligne que la France se veut exemplaire dans ce domaine.
Dès la fin de l'année dernière, j’ai ainsi conclu – la France est le seul pays à l’avoir fait – avec les fournisseurs d’accès un accord qui a été mis en œuvre à partir du mois d’avril 2006. Il prévoit qu’un logiciel de filtrage gratuit et efficace soit systématiquement proposé à l’internaute, au moment de l’installation d’un kit de connexion à l’internet. Tous les internautes français peuvent aujourd’hui se doter de ce logiciel qui assure une protection supérieure à ce qui existe dans les autres pays européens, lesquels, du reste, ont commencé à s’inspirer de ce modèle français dans le but de mieux protéger leurs enfants.

Vous avez également évoqué, madame la rapporteure, la question de la kafala, question délicate dont nous avons eu l’occasion de nous entretenir et que vous avez étudiée au sein de la mission famille de votre assemblée.
Je comprends fort bien que la réalité à laquelle nous sommes confrontés appelle des corrections. Néanmoins je dois souligner aussi qu’il nous faut bien approfondir cette question en tenant compte des rapports entre la législation nationale et celle des pays d’origine pour être efficaces. Il s’agit d’un problème que nous ne pouvons, malheureusement, traiter de manière isolée, car il faut prendre en compte les relations que nous avons à développer – et qui sont bonnes – avec les gouvernements de ces pays, au premier rang desquels je cite le Maroc et l’Algérie.

M. le président Dubernard s’est exprimé, comme toujours, mais plus encore s’agissant d’une question d’une telle sensibilité, avec une humanité à laquelle je tiens à rendre hommage comme à sa conscience très aiguë de notre responsabilité collective dans la chaîne des générations. Il est vrai que nous avons pu mesurer l’absence de soins intolérable pour un grand nombre d’enfants de notre pays : près de 100 000 avez-vous dit, citant les chiffres de l’ODAS. C’est une réalité à laquelle le Gouvernement a voulu répondre en facilitant l’accès aux soins des familles. Ainsi nous avons prévu, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 – et je vous remercie d’avoir soutenu ce texte – de faciliter l’accès aux aides permettant l’acquisition d’une bonne mutuelle par les familles les plus démunies dont le revenu ne leur permet pas de bénéficier de la couverture maladie universelle. Près d’un million de personnes supplémentaires bénéficieront, grâce à la disposition que vous avez adoptée, d’une meilleure couverture de santé. C’est un élément important que je tenais à rappeler.

Madame Adam, vous avez exprimé votre désaccord sur les aspects financiers de ce projet de loi.

Mme Patricia Adam. Je n’ai pas été la seule !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Qu'il est agaçant d'entendre depuis des années nos responsables politiques nous comparer à l'Allemagne, sans rien y connaître réellement, sur des principes...
En effet, l'école est obligatoire Outre-Rhin, mais pas dans l'intérêt de l'enfant : c'est pour exercer ce "contrôle" dont parle M. Fenech, le contrôle de l'état qui permet, dès qu'un parent ne rentre pas dans la norme IMPOSEE (religieuse, politique, sexuelle, etc.), d'envoyer police et services sociaux dans l'heure pour placer, sans preuve ni décision de justice, les enfants "en danger" puisqu'ils vivent avec des parents qui osent critiquer et remettre en cause la dictature germanisante des jeunes esprits confiés à l'école de l'état... Une fois, mon fils malade de 6 ans a manqué une semaine, et la directrice d'école a déposé une plainte contre moi pour violation de mon devoir d'instruction, avec la menace écrite d'envoyer la police me prendre mon fils à la maison pour l'escorter à l'école !
Autre exemple, la santé. Il est vrai qu'un contrôle régulier permette de déceler d'éventuelles maltraitantes, en plus de problèmes de santé. Mais le principe est en Allemagne le même que pour l'école : garder le contrôle sur les enfants. Donc les visites s'enchaînent à une fréquence inimaginable à partir de 2 enfants, vous avez l'impression d'être abonné au pédiatre car vous y allez presque tous les mois...). Et si par malheur, vous laissez passer un examen prévu de quelques semaines, vous recevez comme moi un courrier du MINISTERE de la Santé vous rappelant à l'ordre et vous menaçant insidieusement d'"intervenir pour le bien de l'enfant" si vous n'allez pas le montrer tout de suite au médecin qui enverra sous 48H son rapport au ministère. Concrètement, si vous oubliez une visite médicale de contrôle, vous pouvez voir vos enfants placés...
Si je raconte ces méthodes allemandes, c'est pour montrer aux Français naïfs ce que donne le contrôle de l'état sur les familles, "au nom du bien de l'enfant" : les meilleurs parents tremblent sans cesse de faire un faux pas, de voir leurs propos rapportés à l'école par leurs enfants, de manquer une visite médicale, etc., çar ils se verraient immédiatement retirer leurs enfants, sans autre forme de procès.
Enfin, pour finir, je précise qu'en Allemagne, le Jugendamt, ou service de la jeunesse, possède des pouvoirs politiques (dépend du pouvoir politique local), policier (la police lui obéit), et judiciaires (émet des décisions concernant parents et enfants), et n'est soumis à aucun contrôle. Toute personne exerçant un métier qui touche de près ou de loin à des enfants (médecin, école, avocat, associations d'aide aux personnes en difficulté, administrations...) est obligée, si elle veut exercer, de signer une convention l'engageant à TOUT rapporter à ce Jugendamt et à en exécuter les ordres.
Autrement dit, impossible de passer à travers les mailles du filet tendu pour contrôler tout enfant sur le sol allemand.
Résultat : des dizaines de milliers de familles détruites, d'enfants placés à tort, des milliards d'Euros qui rentrent dans les poches de l'état par le biais des associations à but non-lucratif (non-déclarés à l'Europe puisque non-imposables), et des milliers d'enfants non-allemands otages sur le sol allemand, jamais revus par leur famille à l'étranger...
Est-ce cela que nous voulons en France ? Protéger les enfants, oui, mais se servir de la Convention des Droits de l'Homme pour en prendre le contrôle absolu et nier les droits parentaux, NON ! L'article 17 portant sur l'interdiction de l'abus de droit est très clair à ce sujet... si tant est qu'on respecte cette convention en France.